Dans tout État démocratique, les élections sont normalement considérées comme une consultation populaire permettant aux citoyens de se faire élire et de choisir des dirigeants. Ce choix doit être libre, transparent et apaisé.
Au Burundi, les élections connaissent souvent des actes d’intimidations et de harcèlements sous leurs diverses formes avant, pendant et après les scrutins. Les élections ne constituent pas un événement fortuit ou imprévu, elles exigent une préparation et une organisation conséquentes. Le budget pour le financement des élections doit avoir été prévu par la loi électorale ainsi que des appuis et aides extérieurs. Les partis politiques doivent s’organiser et s’autofinancer pour participer aux élections grâce aux cotisations des adhérents, des élus et aux dons reçus.
Néanmoins, depuis 2015, suite à la crise socio-politique causée par le 3ème mandat illégal de Pierre Nkurunziza, ayant entrainé une crise diplomatique entre le Burundi et le concert des nations, on a assisté à un phénomène de mobilisation interne et forcée des fonds par le CNDD-FDD1 parmi la population, pour financer les élections ou pour obtenir des fonds de fonctionnement.
Au lancement officiel de la campagne électorale pour les élections de 2025, le Président du Burundi, Evariste Ndayishimiye s’est prononcé sur ces contributions en rassurant le peuple que ce sont des contributions volontaires pour faire preuve d’un haut niveau de souveraineté.
Il ajoute qu’aucune pièce d’argent ne sera retranchée à la source ou sur un compte bancaire. Le Président Evariste Ndayishimiye n’a toutefois pas manqué de préciser qu’il reçoit déjà des appels de ceux qui veulent donner leurs contributions volontairement.
Cela est devenu une pratique erronée de soustraire de l’argent au peuple burundais. Le phénomène s’intensifie généralement à l’approche des élections. Pour ces élections de 2025, le parti au pouvoir a annoncé vouloir collecter des fonds pour l’organisation des élections à l’endroit de ses membres ou sympathisants.
Des discours officiels des autorités qui diffèrent des actes sur le terrain
Puisque l’acte civique ou le patriotisme ne doit pas être obligatoire, TLP-Burundi considère que le parti CNDD-FDD a utilisé cette pratique pour rançonner le peuple burundais en collectant de manière forcée les contributions pour les élections de 2025.
Un mot d’ordre a été donné par les responsables du parti au pouvoir, à commencer par le Secrétaire Général dudit parti, Révérien Ndikuriyo aux différents organes du CNDD-FDD à travers tout le pays pour la collecte des fonds, à partir du 29 août 20244.
Depuis cette période, tout le pays a été envahi par des Imbonerakure et des administratifs à la base pour obliger chaque personne à payer une somme variant entre 1000 Francs burundais (FBu) à 5000 Francs burundais (FBu) moyennant un reçu de paiement portant un logo du CNDD-FDD, sans aucune considération que tu sois membre ou pas du CNDD-FDD, et ceux qui refusent sont notés dans un registre des gens dénommés « Ibipinga » ou contradicteurs.
Partout dans le pays, aucune catégorie de personne n’est épargnée. Les personnes physiques paient un montant de 50.000 Fbu, tandis que les personnes morales moyennes donnent 100.000 Fbu. Il s’agit de magasins-bars-restaurants, des montants supérieurs pour les propriétaires des hôtels et des entreprises sont exigés.
Des contributions systématiques qui suscitent la colère de la population
Les collectes de fonds sont organisées à travers tout le pays et la population dénonce des contributions tous azimuts.
A titre illustratif, TLP-Burundi revient sur certains faits inventoriés au cours du début du mois de septembre 2024 :
- À travers tout le pays, les imbonerakure, plus particulièrement, passent de ménage en ménage pour collecter ces fonds « prétendument » destinés à la campagne électorale du parti au pouvoir en 2025 ;
- Les marchés, boutiques et magasins sont les cibles privilégiées, comme c’est le cas de la province Ngozi ;
- Les parkings des véhicules, des taxis-vélos, les taxis-moto sont également visés par les Imbonerakure. Ils donnent directement le reçu sans rien expliquer pour contraindre la population à payer directement, comme c’est le cas de Rumonge, Kamenge, Kinama, Bujumbura,Muramvya ;
- Dans certaines autres régions du pays, comme à Kirundo, c’est plus exagéré, car on ne peut même pas envoyer un enfant puiser de l’eau sans montrer le reçu de paiement des fonds pour le CNDD-FDD,
- De plus, pouvoir bénéficier des services publics, y compris l’accès aux marchés, est conditionné par le paiement de ces fonds, comme c’est le cas de la commune Shombo en province de Karusi,
- Pour bénéficier des services sociaux comme la distribution du sucre, il faut montrer le reçu de contribution, comme cela s’est produit en commune Muramvya,
- Si on refuse de payer, les administratifs ou les imbonerakure profèrent des menaces ou ils s’accaparent d’un produit dont le prix correspond au montant que tu devrais contribuer, comme cela se fait remarquer à Cibitoke ;
- Dans beaucoup de régions du pays, des barrières ont été érigées sur les axes routiers et aux alentours des collecteurs des taxes communales, comme à Kayanza,
- Que l’on soit membre du CNDD-FDD ou non, il est impossible de se défaire de ce paiement obligatoire en cas d’exercice d’une activité lucrative, comme cela se produit dans les provinces : Karusi, Makamba, Rutana, Cibitoke et Bubanza.
- Dans certaines régions, il est obligatoire de payer ces cotisations forcées à toute personne qui se rend aux obligations sociales telles que le mariage, comme dans le cas de Bururi.
Considérations de TLP-Burundi :
- Au sein d’un système pluraliste, il est inacceptable qu’un parti politique contraigne l’ensemble du peuple à cotiser pour son compte,
- La responsabilité de contribuer financièrement ne revient qu’aux militants et membres du parti, le CNDD-FDD doit laisser le reste de la population burundaise tranquille,
- TLP-Burundi est conscient de la souffrance du peuple burundais, décrit la collecte des fonds comme un vol planifié ou une extorsion dissimulée,
- Le comportement du CNDD-FDD démontre clairement qu’il se comporte comme un parti-État avec une philosophie de dictature inédite.
De ce qui précède, TLP-Burundi recommande :
- Au Ministère de l’Intérieur, du Développement communautaire et de la Sécurité Publique:
De mettre fin immédiatement aux actions du CNDD-FDD et de rompre avec son silence complice afin de démontrer qu’il ne sert pas le parti au pouvoir au détriment des intérêts du peuple.
- Au Ministère de la Justice :
D’agir, en se saisissant d’office pour arrêter cette violation flagrante des droits et libertés fondamentales des citoyens se manifestant en vol organisé orchestré par le CNDD-FDD.
- Au parti au pouvoir le CNDD-FDD :
- De mettre fin à toute forme de contrainte et d’intimidation envers le peuple burundais,
- De faire la distinction entre les militants et les non-militants dans la collecte des contributions afin de soulager la souffrance du peuple burundais qui est déjà confronté à une pauvreté extrême.
Fait le 11 septembre 2024
Anitha GATERETSE
Coordinatrice nationale /TLP-Burundi