TLP-Burundi condamne la répression sanglante au Tchad

Jeudi 20 octobre 2022, a été une Journée meurtrière au Tchad, lors de manifestations appelées par l’opposition et la société civile pour protester contre le maintien à la tête de la transition du président Mahamat Idriss Déby Itno. Il y a eu des dizaines de morts, des civils tués par balles.

En fin de journée, le Premier ministre Saleh Kebzabo a évoqué « une cinquantaine de morts » et « 300 blessés ». Il a aussi annoncé un couvre-feu dans quatre villes de 18h à 6h du matin, jusqu’au retour total de l’ordre, ainsi que des poursuites judiciaires. Il fait porter la responsabilité des violences aux organisateurs des manifestations.

Devant les journalistes, le nouveau Premier ministre de transition du Tchad a affirmé que des manifestants étaient armés, formés à des techniques de guérilla. Il justifie les tirs à balles réelles en pleine rue.

“C’était une insurrection populaire en vue de s’emparer du pouvoir par la force, c’est ce qu’il s’est passé aujourd’hui et pas autre chose, ce n’était pas une marche pacifique. Les forces de l’ordre doivent respecter certaines consignes, celles de ne pas tirer à balles réelles sur les manifestants. 1 : ce n’était pas des manifestants. 2 : les forces de l’ordre devaient se défendre”, a-t-il.

Cependant, les leaders de la société civile parlent de « plus de 80 morts et des centaines de blessés par balles réelles par des manifestations pacifiques ». Ils déplorent « l’usage de la force dans une population civile, non armée, qui réclame le retour à la normale constitutionnelle ».

L’heure des condamnations

Parmi les victimes il y a des membres du mouvement international Tournons La Page, section Tchadienne.

Pour l’organisation TLP Internationale, avec la répression de ce jeudi, l’organisation continentale pourrait peut-être changer de ton envers le pouvoir tchadien, envisager des sanctions.

« L’Union africaine doit se saisir de la question tchadienne. Il y a eu une réaction ferme de monsieur Faki. Il faut que les Etats se saisissent collectivement de la situation au Tchad car la répression qui s’instaure est source d’instabilité pour la région. Il faut demander une enquête indépendante sur la répression et surtout trouver une solution politique pour que le Tchad ne s’enferme pas dans un nouveau cycle de violences », explique Laurent Duarte, secrétaire exécutif de l’ONG Tournons La Page.

Des enquêtes indépendantes

« La France et l’Union européenne doivent demander des enquêtes indépendantes, demander que l’impunité cesse. La France continue de maintenir une coopération militaire et sécuritaire forte avec le Tchad et il faut que cela cesse. Il faut que la France puisse montrer qu’elle n’a aucune sorte de responsabilité dans la répression en cours. L’Union européenne doit s’affirmer comme un acteur qui défend les droits humains », ajoute Laurent Duarte.

TLP-Burundi s’inquiète de la situation au Tchad

D’après Maitre Janvier Bigirimana, coordinateur national de TLP-Burundi, ce qui se passe au Tchad est à la fois inquiétant et condamnable.

« Cette répression sanglante contre la population et les défenseurs pro-démocratie ne fait qu’aggraver la crise politique en cours. Le régime de transition doit cesser toutes formes de violence et de représailles contre les opposants et les défenseurs des droits humains et mettre en avant le dialogue et le respect des engagements pris en vue d’une solution politique négociée face à la crise que traverse le pays », indique-t-il.

Et d’ajouter : « le gouvernement de transition doit également tout faire pour établir les responsabilités et engager de sérieuses poursuites contre les auteurs des forfaits. L’Etat tout comme ses organes ne doivent pas exercer la violence et l’arbitraire contre la population, il est urgent que les victimes et leurs familles soient prises en charge par l’Etat ».

Lewis Mudge, directeur pour l’Afrique centrale à Human Rights Watch, a demandé quant à lui, « une enquête impartiale » après ces événements afin de « déterminer les responsabilités et garantir que la force ne soit utilisée qu’en dernier recours ».

Allié-clé de N’Djamena, la France a également « condamné » les « violences et l’utilisation d’armes létales contre les manifestants », dans un communiqué du ministère des affaires étrangères. Le quai d’Orsay a par ailleurs précisé que la France « ne joue aucun rôle dans ces événements, qui relèvent strictement de la politique intérieure du Tchad. Les fausses informations sur une prétendue implication de la France n’ont aucun fondement ».

Le Rapporteur spécial de l’Onu sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association pour sa part appelle à la désescalade de la tension. Clément Voule avertit : « Tout recours à un usage excessif de la force contre les manifestants expose leurs auteurs à des poursuites ».

Le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, dit « condamner fermement la répression des manifestations ayant entrainé mort d’hommes ».

Moussa Faki  appelle les parties « au respect des vies humaines et des biens et à privilégier les voies pacifiques pour surmonter la crise. »

L’UA avait exigé le 19 septembre dernier, que la junte ne prolonge pas les 18 mois de transition, « et avait aussi rappelé qu’aucun membre du Conseil militaire de transition ne pourra être candidat aux élections à la fin de la transition ».

Des partis d’opposition suspendus

Des appels à manifester avaient été lancés depuis le début de la semaine, notamment par la plateforme d’opposition Wakit Tamma et le parti Les Transformateurs, dirigé par Succès Masra, l’un des principaux opposants politiques à M. Déby.

Ces deux partis avaient boycotté le Dialogue national de réconciliation (DNIS) qui avait prolongé la transition et entériné la possibilité pour Mahamat Idriss Déby Itno de se présenter aux élections.

Et puis, ces manifestations avaient été interdites par les autorités. « Les manifestants ont attaqué des édifices publics, le gouvernorat, le siège du parti du premier ministre, celui du président de l’Assemblée nationale », a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) à la mi-journée le porte-parole du gouvernement tchadien, Aziz Mahamat Saleh.

Les raisons de la colère

Le dialogue national inclusif et souverain organisé du 20 août au 8 octobre, a décidé, entre autres, que la transition, qui était de 18 mois renouvelables une fois, sera prolongée de deux ans. Les dirigeants de la transition pourront être candidats aux prochaines élections, qui devraient se tenir en 2024. Ces conclusions, le Parti socialiste sans frontières, Les Transformateurs et la coalition Wakit Tama ne les ont pas acceptées.

C’est la raison pour laquelle ils ont appelé à la manifestation de jeudi, date marquant la fin de 18 mois de transition décrétée après la mort du maréchal Idris Déby Itno en avril 2021. Pour les contestataires, ceci n’est rien d’autre qu’un plan de succession dynastique.

Argument fallacieux et superfétatoire, a répondu le Premier ministre au cours de la conférence de presse, avant d’ajouter : « Le dialogue a été décrété souverain, il s’est déclaré souverain. D’où vient-il que les citoyens se permettent de contester ses conclusions ? »