Mémorandum de la société civile sur les atrocités débutées le 26 avril 2015: des violations graves des droits humains qui restent impunies

En 2015, après une période de dix ans de paix relative, ponctuée certes par des tensions et des violences épisodiques, une crise de grande ampleur a été déclenchée le 25 avril par Pierre Nkurunziza en se portant candidat au troisième mandat. Le lendemain, le 26 avril 2015, un mouvement citoyen de contestation a suivi en répondant à l’appel de certains partis politiques de l’opposition, de la société civile, et des frondeurs du parti présidentiel CNDD-7FDD, haut placés dans le Gouvernement de Pierre Nkurunziza. Ce mouvement de contestation a commencé dans une ambiance délétère, née de la volonté du pouvoir de limiter drastiquement les espaces de liberté, et l’annonce d’en découdre avec toute voix discordante.

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Dès le début des manifestations, pourtant autorisées par la loi, le pouvoir a ordonné à la police d’utiliser tous les moyens à sa disposition pour étouffer toute velléité contestataire. Cette crise n’est pas apparue dans un ciel sans nuages. Au contraire, elle s’inscrivait dans un contexte de violations graves des droits de la personne, de mauvaise gouvernance, caractérisée par une corruption et une prédation systémique, et surtout par une volonté politique manifeste de renvoyer aux oubliettes la lettre et l’esprit de l’Accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation au Burundi.. Par la suite, la violence et la répression déclenchées par le pouvoir pour mater les contestataires ont plongé le pays dans un état de non droit, avec comme conséquences de nombreux morts, des disparitions forcées, des torturés et des prisonniers d’opinion ainsi que des centaines de milliers de réfugiés.

Des violations graves des droits humains qui restent impunies

Depuis avril 2015, les organisations de la société civile nationale et internationale n’ont pas cessé d’alerter sur les violations graves des droits humains qui se commentent presque quotidiennement.

Les organisations de défense des droits humains internationales comme burundaises ont documenté des meurtres, disparitions, actes de torture et mauvais traitements, des cas d’arrestations et de détention arbitraires, ainsi que des violences sexuelles et sexistes. Des cadavres non-identifiés, souvent mutilés ou ligotés, ont été découverts et sont découverts à intervalles réguliers dans différentes provinces, souvent enterrés par les autorités locales, des membres des Imbonerakure ou des policiers, sans qu’il y ait eu d’enquête.

Selon 5 rapports annuels (de 2017 à 2021) de la Commission d’enquête sur le Burundi établie par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, des hommes soupçonnés d’appartenir à des groupes armés ou de les soutenir ont été exécutés par la police ou des agents du Service national de renseignement (SNR). Des dizaines de membres réels ou présumés de groupes d’opposition ont été victimes de disparitions forcées. De nombreuses personnes ont également été emprisonnées par le Service national de renseignement, et auraient subi de graves actes de tortures, des viols et des mauvais traitements.

Des organisations de défense des droits humains, y compris Human Rights Watch et l’Initiative des Droits Humains sur le Burundi, ont documenté des cas de torture sur des personnes soupçonnées d’avoir collaboré avec les groupes armés. La Commission d’enquête sur le Burundi a documenté des cas où les victimes sont mortes en détention.

La Cour Pénale Internationale (CPI) faisait état de plus de 1200 personnes assassinées lors de l’ouverture des enquêtes judiciaires sur le Burundi au mois d’octobre 2017, plus de 400.000 burundais ont été contraints à fuir le Burundi avec le début de crise.

La ligue ITEKA a recensé pour la période d’avril 2015 au 25 avril 2023 : 4040 personnes tuées dont 1381 cadavres trouvés, 697 personnes enlevées, 1225 victimes de tortures. 13072 personnes arrêtés arbitrairement et 611 victimes de violences sexuelles.

Les établissements pénitentiaires du Burundi connaissent toujours un sérieux problème de surpopulation.  L’effectif des détenus dépasse, dans la majorité des cas, la capacité d’accueil des prisons.

Des traitements inhumains et dégradants dont l’isolement sont toujours infligés à certains prisonniers politiques par leurs paires qui agissent comme représentants des prisonniers regroupés dans des comités de sécurité. Ces prisonniers, généralement proches du parti au pouvoir, malmènent les prisonniers issus des milieux connus d’opposition, souvent avec la complicité des responsables de la prison.

Les prisonniers politiques sont souvent transférés dans plusieurs prisons à travers le pays ce qui devient un handicap pour l’évolution de leurs dossiers, ils sont privés du droit aux visites, privés de l’accès aux soins de santé. A titre illustratif, les prisonniers poursuivis dans le dossier de la tentative de putsch de mai 2015 ont subissent des mauvais traitements dont la privation des soins de santé et du droit de visite.

Les dossiers judiciaires des prisonniers politiques sont traités avec une lenteur démesurée, s’ils sont jugés, nous remarquons souvent des sentences lourdes non fondées sur la loi qui sont motivées politiquement.

Le Burundi refuse toujours de coopérer avec les mécanismes internationaux de protection des droits humains dont la CPI, le Haut-Commissariat des Droits Humains et ses organes comme le bureau du Rapporteur Spécial sur la situation des Droits humains au Burundi qui a succédé à une commission d’enquête des Nations -Unis sur la situation des droits humains au Burundi.

Le Gouvernement devrait mettre fin sans aucune condition aux abus commis envers les membres des partis d’opposition, les activistes de la société civile et tous les autres opposants ou critiques réels ou supposés, et faire rendre des comptes aux responsables de tels abus.

RECOMMANDATIONS

A.    Au Gouvernement du Burundi de :        

  • Mettre fin aux violations des droits de l’homme et à l’impunité en poursuivant en justice tous les auteurs présumés de ces violations, des crimes internationaux ainsi les malversations économiques.
  • Rouvrir l’espace démocratique, garantir les libertés publiques, réformer le système judiciaire pour plus d’indépendance et de transparence et dissoudre la milice Imbonerakure ;
  • Mettre fin aux abus commis envers les membres des partis d’opposition, les activistes de la société civile et tous les autres opposants ou critiques réels ou supposés, et faire rendre des comptes aux responsables de tels abus.
  • Reconnaître publiquement l’existence des violations des droits de l’homme commises au Burundi depuis avril 2015, rechercher et punir les responsables, et accorder des réparations aux victimes ;
  • Garantir que le travail de la Commission vérité et réconciliation (CVR) soit professionnel, inclusif, impartial, objectif, transparent, équilibré, intègre et crédible, pour qu’il puisse contribuer véritablement et durablement à la réconciliation nationale ;
  • Renouveler son engagement envers la pleine mise en œuvre de l’accord d’Arusha et des accords avec les groupes armés qui en ont découlé, notamment en garantissant que justice soit rendue pour les graves atteintes aux droits humains ;
  • Libérer immédiatement les défenseurs des droits de l’homme et journalistes détenus arbitrairement, ainsi que tous les prisonniers politiques ;
  • Annuler les mandats d’arrêts contre les acteurs politiques, de la société civile et des médias ;
  • De lever la suspension et la radiation des médias et organisations de la société civile, leur permettant de reprendre leurs activités en toute indépendance, et revoyant les lois adoptées en 2017 sur les organisations non-gouvernementales burundaises et internationales ;
  • De réviser la loi organique du 8 mars 2018 portant révision de la loi no 01/03 du 24 janvier 2013 portant missions, composition, organisation et fonctionnement du Conseil national de la communication afin de garantir l’indépendance de ce dernier.

B     Aux garants de l’Accord d’Arusha et leurs alliés de  :

  • Nommer un panel d’experts de haut niveau pour évaluer la mise en œuvre de l’accord d’Arusha dans tous ses aspects et organiser une rencontre internationale avec tous les garants de l’accord d’Arusha pour discuter du rapport du panel et décider des suites à lui donner ;
  • User de leur influence pour amener les autorités Burundaises à mettre en œuvre le jugement de la Cour de l’EAC qui a statué à Bujumbura, le 25 novembre 2021 que « la Cour constitutionnelle du Burundi a violé la Constitution du Burundi, l’accord de paix signé en 2000 à Arusha ainsi que le traité établissant la Communauté des États de l’Afrique de l’Est»

C.    Aux acteurs de la communauté internationale de :

  • Continuer à suivre l’évolution de la situation des droits de l’homme au Burundi dans le contexte des élections de 2025, 2027 et, conformément aux principes de prévention et d’alerte précoce, faire régulièrement l’évaluation des risques, afin de permettre, en cas de détérioration, que soient développées et mises en œuvre des stratégies de réponse adaptées ;
  • Mettre tout en œuvre pour assurer la tenue d’un dialogue inter burundais inclusif afin de régler la crise politique ;
  • Soutenir le renforcement des capacités des observateurs nationaux des élections et envoyer des observateurs internationaux, régionaux et nationaux pour les prochaines élections de 2025-2027

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